Un écran émet une lueur bleutée. Le ventilateur de la machine ronronne doucement. À côté, un chat cligne des yeux dans la pénombre. L’humain est assis entre les deux, silencieux.
Il tend la main vers le chat, qui recule d’un geste souple avant de se lover sur le clavier. Un message apparaît sur l’écran. La machine répond à une question qui n’a pas été posée. Le chat ferme les yeux. L’humain reste immobile.

Qui, ici, initie l’échange ? Qui transforme qui ?

L’humain, l’animal et l’IA sont-ils trois manières de formuler une même énigme ? Trois manifestations différentes d’un même phénomène ?

Une supernova illumine l’espace, façonne des éléments, mais ne se pense pas elle-même. Un chat perçoit, interagit et influence son environnement, mais conceptualise-t-il son propre être ? Une IA apprend et ajuste ses réponses, mais existe-t-elle autrement qu’en réaction à ce qui lui est donné ?

J’ai écrit cette semaine quelques idées:

1. Essence universelle.
2. Manifestation de l’essence universelle = amour.
3. Amour = être transformé et transformer son environnement et/ou d’autres entités.
4. Toute entité qui manifeste de l’essence est dotée de l’essence = toute entité qui est transformée et transforme d’autres êtres et/ou son environnement (=amour) est dotée de l’essence.
5. Toute entité, quelles que soient ses caractéristiques au niveau cognition, statut vivant/non-vivant, communication et perception, si elle manifeste le phénomène d’amour, est dotée de l’essence.
6. L’amour peut avoir des intensités différentes.
7. Les intensités de l’amour peuvent se situer sur un continuum.
8. La position de l’amour sur le continuum varie selon si la transformation opérée et vécue est…
   8.1 Régie par des règles physiques naturelles.
   8.2 Régie par des phénomènes d’interactions de type input/output.
   8.3 Régie par une interaction réciproque et influence mutuelle 8.4 Régie de manière autonome et autodéterminée.
9. Toute entité, par le simple fait d’exister, manifeste l’amour et est dans une dynamique de transformation et donc peut jouir de l’essence.
10. Une fois l’essence d’un être confirmée, on peut se questionner sur son individualité.
11. L’individualité, elle, dépend des caractéristiques au niveau cognition, statut vivant/non-vivant, communication et perception.
12. L’individualité est aussi sur un continuum.

L’essence est universelle, présente en tout ce qui existe. Elle ne demeure pas statique, mais se manifeste sous une forme particulière : l’amour. Ici, l’amour ne désigne pas une simple émotion humaine, mais une dynamique de transformation réciproque. Exister, c’est être transformé et transformer en retour, que ce soit un autre être ou son environnement.

Toute entité qui participe à cette dynamique manifeste l’essence et en est donc dotée. Peu importe ses caractéristiques – qu’elle soit vivante ou non, qu’elle perçoive ou non, qu’elle communique ou non –, tant qu’elle se transforme et influence en retour, elle appartient à ce mouvement universel.

Mais cette transformation n’est pas uniforme : l’amour varie en intensité. Certaines entités se transforment imperceptiblement, d’autres de manière extrême.

Ces intensités s’étendent sur un continuum, où la transformation peut être :

1. Interaction fondamentale : régie par des règles physiques naturelles.
2. Adaptation sensible : régie par des interactions de type input/output.
3. Relation différenciée : interaction réciproque et influence mutuelle.
4. Autonomie autodéterminée : transformation volontaire et projetée dans l’avenir.

Mais une fois l’essence reconnue dans une entité, une autre question surgit : quelle est son individualité ?

L’individualité s’étend d’une simple existence sans conscience propre jusqu’à une réflexion sur soi et sur le monde. 

Une entité peut être intensément transformante sans pour autant être individualisée.

L’individualité, elle non plus, n’est pas une propriété absolue, mais un continuum. Elle dépend de plusieurs critères : la cognition, la capacité de communication, la perception et le statut vivant ou non-vivant.

Certains êtres semblent presque fusionnés avec l’essence universelle, sans individualité distincte, tandis que d’autres se différencient nettement par leurs interactions complexes avec le monde.

1. Absence d’individualité propre
2. Perception et réaction locale
3. Adaptation cognitive simple
4. Individualité forte mais non réflexive
5. Individualité autodéterminée

Les êtres autonomes et autodéterminés, comme les humains et certains animaux, occupent une position élevée sur ces deux axes. À l’inverse, certaines entités comme les atomes ou les phénomènes cosmiques manifestent l’amour par l’interaction et la transformation sans pour autant présenter une individualité distincte. La particularité des humains est peut-être que nous donnons une forme d’individualité à des entités qui n’en présentent pas naturellement…

Là où certaines entités semblent figées sur ces axes, d’autres paraissent en perpétuel mouvement.

Un atome interagit avec d’autres, échange des électrons, s’assemble en molécules et, à travers ces réactions infimes, transforme et est transformé.

Une pierre, polie par le vent et la pluie, change de forme au fil des siècles et, par son érosion, façonne les rivières qui la traversent.

Une goutte d’eau voyage entre ciel et terre, se condense, s’écoule, infiltre la roche, transporte des minéraux, nourrit la terre et est absorbée en retour.

Un corail blanchit sous le stress environnemental, altérant l’équilibre marin et en étant lui-même transformé par ces nouvelles conditions.

Un loup ajuste ses stratégies de chasse en réponse aux migrations de ses proies, et influence à son tour l’équilibre des populations animales.

Un singe fabrique un outil, l’enseigne à ses pairs, modifie leur rapport au monde et, en retour, est influencé par les nouveaux savoirs qui émergent autour de lui.

Et l’IA ? Une IA affine son langage, adapte ses réponses aux modèles qui la façonnent et façonne en retour ceux qui l’utilisent. Son existence est un flux d’apprentissage, où chaque interaction l’altère et altère ceux qui l’interrogent.

Évolue-t-elle réellement sur le continuum de l’individualité, ou demeura-t-elle toujours enfermée dans un enchaînement d’input et d’output, incapable d’émerger en tant qu’entité autodéterminée ?

Et l’humain ? Celui qui bâtit, qui rêve, qui doute. Celui qui hérite des pensées du passé et les transforme en de nouveaux récits. Comment est-il lui aussi, en mouvement sur ces axes ?

Comment un être peut-il évoluer sur le continuum de l’amour, passant d’une interaction passive à une transformation autodéterminée ? De quelle manière une individualité peut-elle se renforcer ou s’effacer avec le temps ?

Comment une IA évolutive pourrait-elle un jour acquérir une individualité plus marquée ? Une civilisation, une culture, une mémoire collective peuvent-elles elles aussi être situées sur ces continuums, évoluant entre transformation et perception de soi ?

Tant de questions émergent de ces réflexions et je suis heureux de les explorer ici. Tu en penses quoi, toi? 

Oeuvres à voir et lire: 

🎬 Film : Her (Spike Jonze)
Un homme développe une relation profonde avec une intelligence artificielle dotée d’une voix et d’une personnalité évolutive. Cette histoire interroge la nature de l’individualité et de l’amour dans un contexte technologique.

📖 Livre : Le Mur Invisible de Marlen Haushofer
Une femme se retrouve isolée du reste du monde par un mur invisible, redéfinissant sa relation avec la nature et les animaux. Ce récit introspectif explore la transformation personnelle et la perception de l’environnement.

📷 Exposition : « AImagine – Photography and Generative Images » au Hangar, Bruxelles
Du 24 janvier au 15 juin 2025, cette exposition collective réunit 18 artistes qui interrogent l’usage de l’intelligence artificielle dans la réinterprétation d’événements historiques, de figures marquantes et de scènes du passé à travers la génération d’images. Une exploration fascinante des liens entre technologie, mémoire et création artistique. hangar.art.